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Un divorce, une médiation

Combien de tensions, de drames et de larmes seraient évités si un médiateur était désigné par le juge ou les époux avant un divorce ?

Voici trois histoires

La première.


Le téléphone sonne. Jacques est au bout du fil.

Jacques : Avec Marie nous avons pris la décision de divorcer. Nous étions d’accord sur les modalités du divorce et la garde de notre fille Lina. Et puis Marie a consulté une avocate qui lui a expliqué qu’elle pouvait demander une prestation compensatoire, car pendant 6 ans, elle avait cessé de travailler pour s’occuper de Lina ». Ce qui lui paraissait totalement injuste. Il n’est pas question que je lui verse une prestation compensatoire. Reprenant mon ancien rôle et mon expérience d’avocate, je suis sur le point de lui expliquer que Marie ayant toutes les chances d’obtenir cette prestation compensatoire le mieux serait qu’ils se mettent d’accord sur le montant. Jacques se met à hurler. « Il n’en est pas question. J’ai suffisamment souffert depuis la naissance de Lina, car Marie ne m’a laissé aucune place. Elle a décidé qu’elle seule s’occuperait de Lina. Par amour et pour éviter des conflits devant notre fille, j’ai accepté, et souffert sans rien dire. Si je devais verser une prestation compensatoire, j’aurais le sentiment de vivre une double injustice. Marie ne m’a pas permis ni laissé jouer mon rôle de père et en plus je dois lui verser de l’argent.

Prenant mon rôle de médiatrice, je décide d’appeler Marie.

Moi : Jacques m’a appelé pour me dire que vous alliez divorcer. Est-ce exact ?

Marie : oui

Moi : Jacques m’a dit que vous vous êtes mis d’accord sur la garde de Lina et la pension alimentaire. Est-ce exact ?

Marie : Oui

Moi : Vous allez donc divorcer par consentement mutuel ?

Marie : Oui …. Enfin je le souhaite.

Moi : Tu le souhaites ! J’entends que Jacques n’est pas d’accord !

Marie : Oui il est d’accord sur le principe, mais il refuse de me verser une prestation compensatoire.

Marie me donne les raisons de sa demande.

Moi : Au regard de la loi, tes arguments sont audibles et seront certainement entendus. As-tu demandé à Jacques pourquoi il ne voulait pas te verser de prestation compensatoire alors que sur le reste vous semblez être d’accord ?

Marie : Oui je crois.

Moi : Tu crois. J’entends que tu n’en es pas certaine. Jacques ne semble pas avoir de problèmes financiers. S’il refuse de te verser une prestation compensatoire, c’est sans doute pour des raisons autres que financières.

Après quelques minutes de silence

Marie : J’ai peur de manquer d’argent. Pourquoi, renoncerais-je à ce droit ?

Moi : Quelle hypothèse fais-tu pour penser que Jacques ne va pas t’aider financièrement si tu es dans le besoin ? Va discuter avec lui, exprime-lui ton besoin et écoute ce qu’il a à te dire ».

Moins d’un an plus tard, Jacques et Marie ont divorcé. Marie a renoncé à demander une prestation compensatoire. Ils ont trouvé un accord qui tient compte des besoins de chacun.


La seconde.

Mathieux a 20 ans. Ses parents ont divorcés alors qu’il avait 12 ans. Mathieux veut entrer dans une école prestigieuse et demande à son père, dont le train de vie est très nettement supérieur à celui de sa mère, de l’aider financièrement. Le père, de nature autoritaire et contrôlante, accepte à des conditions inacceptables pour Mathieux. Celui-ci en parle à sa mère qui lui explique que son père a l’obligation de l’aider et que s’il ne le veut pas, il peut saisir la justice.

Mathieux me demande ce que j’en pense.

Voici ce que je lui réponds.

Au titre de l’obligation d’aliment, tu peux effectivement assigner ton père et demander au juge qu’il soit condamné à te verser une certaine somme. Le juge peut te donner raison et ton père sera alors obligé de t’aider à financer tes études. Si tu choisis cette voie, ce n’est pas sans conséquence. Comment réagira ton père ? Est-ce que vos relations ne vont pas encore plus se dégrader ? Si tu fais cette démarche, tu dois accepter qu’ensuite il ne veuille sans doute plus de voir pendant un certain temps. Es-tu prêt?

Mathieux : Non, j’aime mon père même s’il est dur et très autoritaire.

Et ta mère ?

Ma mère, elle gagne peu d’argent. Elle m’a dit qu’au moment du divorce elle s’est faite avoir. Elle a perdu beaucoup d’argent. Elle a renoncé à réclamer une prestation compensatoire parce qu’elle voulait la paix et divorcer au plus vite. C’est pour cette raison qu’elle me dit que je dois demander à mon père.

Mathieux se sent totalement coincé.


La dernière.

Claire a 50 ans. Son père vient de décéder et sa mère l’appelle la veille de l’enterrement. Ses parents ont divorcé alors qu’elle avait 34 ans. Sa mère lui avait raconté, ainsi qu’à ses frères et soeurs, qu’elle avait toujours été malheureuse avec leur père, et que, si elle avait attendu pour divorcer c’était pour les enfants. Quelques années après le divorce, lorsque son père s’est remarié, sa mère a commencé à dire à ceux qui voulaient bien l’écouter qu’elle avait tout perdu lors de la séparation. « Je voulais divorcer rapidement alors que mon mari comptait ses sous et avait tout le temps. J’ai donc renoncer à beaucoup de chose » Claire, qui avait eu entre les mains l’acte de partage des biens, savait que sa mère avait obtenu la plupart des biens qu’elle avait souhaité garder et se refusait à tout commentaire lorsque quelqu’un de la famille l’interrogeait pour savoir si effectivement sa mère avait tout perdu.

Alors qu’elle s’apprête à prendre le train pour aller à l’enterrement, sa mère l’appelle et lui dit : « Après l’enterrement, avec ton frère et ta soeur vous allez vous partager les biens de votre père. Méfie-toi de ta belle-mère, elle va vouloir tout prendre. »

Claire : « En quoi cela te concerne-t-il ? Tu n’as aucun droit sur les biens de papa. »

La mère : « tu sais qu’il a gardé des objets qui m’appartenaient. Je veux les récupérer. »

Claire : « En quoi puis-je t’aider ? »

La mère : « tu vas lors du partage demander les biens dont je vais t’envoyer la liste. Lorsque tu les auras obtenus, tu me les rendras. Je te promets qu’ils seront plus tard pour toi.».

Claire met fin à la conversation en soupirant : « décidément, elle ne lâchera jamais ».


Ces comportements sont malheureusement courants lorsque l’un des époux a le sentiment qu’au moment du divorce, il n’a pas été entendu et défendu. À la moindre occasion, il re-déclenche la guerre et lorsqu’il y a des enfants, ceux-ci sont parfois pris en otage.

Souvent lors du divorce, les époux n’arrivent plus à se voir avec altérité. « L’autre n’est plus celui ou celle que j’ai aimé, mais celui ou celle qui m’a blessé, froissé, qui veut tout me prendre ». L’autre devient mon ennemi. Qu’importe ces sentiments. Lors du divorce, les époux, assistés de leurs avocats respectifs, doivent se mettre d'accord sur les effets du divorce (partage des biens, autorité parentale, pension alimentaire, prestation compensatoire).

Si vous allez voir un médiateur, celui-ci vous donnera la possibilité de « vider votre sac », de mettre sur la table tous les « ce n’est pas grave » silencieux, accumulés durant le mariage, qui rejaillissent lors du divorce. Vous pourrez exprimer votre ressenti, clarifier vos besoins, parler de vos préférences.

Chef d’orchestre d’un processus qui explore le conflit, le médiateur ne juge pas. Il ne se demande pas « qui a tort, qui a raison », « qui doit quoi à qui ». La médiation ouvre un espace de dialogue afin que la signature de l’accord ne soit pas ensuite vécue, par l’un, comme le fruit d’une trahison, et par l’autre, comme une victoire.


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