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L'éducation au mensonge

  • Photo du rédacteur: Anne Beau
    Anne Beau
  • 19 juil.
  • 3 min de lecture

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Sommes-nous, depuis notre plus tendre enfance, éduqués à mentir ?


Pourquoi mentons-nous ?


Nous mentons par peur d’être punis. L’enfant qui casse un verre et qui sait que s’il reconnaît être l’auteur, il sera puni, mentira à la question « Qui a fait ça ? ». Ce premier mensonge, souvent perçu comme une défense instinctive, nous apprend que la vérité peut parfois coûter cher. L’enfant apprend alors qu’il est parfois plus avantageux de dissimuler ses fautes pour éviter la réprimande.


Nous mentons aussi pour obtenir ce que nous souhaitons. L’adolescent, qui sait que s’il demande à sortir avec ses amis à un parent autoritaire ou méfiant, inventera un discours du genre « Ce soir, je vais dormir chez une amie » — l’amie que le parent apprécie — et une fois le parent rassuré, sortira avec d’autres. Ce mensonge, devenu presque un automatisme, est une stratégie pour contourner les règles et obtenir plus de liberté. Dans ce cas, le mensonge n’est pas nécessairement malveillant, mais il sert à naviguer dans un monde où les désirs personnels se heurtent à l’autorité. On ment parfois juste pour avoir la paix.


L’adulte, quant à lui, continue souvent sur cette voie, avec des mensonges plus complexes et parfois mieux dissimulés. L’adulte qui sait que, pour obtenir un prêt, il doit faire croire à une banque qu’il est riche, car dans le cas contraire, le prêt lui sera refusé, inventera des mensonges sur sa situation financière. Ici, le mensonge devient une nécessité sociale, une réponse à un système qui privilégie parfois l’apparence à la réalité.


Nous mentons également pour protéger l’autre. Par exemple, je vais mentir sur la gravité de ma maladie pour ne pas perturber mon conjoint ou mes enfants. Ou encore, je vais mentir sur mes difficultés financières et professionnelles pour ne pas inquiéter mes proches.


L’éducation au mensonge se construit ainsi dès le plus jeune âge et se nourrit des expériences de chacun. Elle devient, à force de répétition, un mécanisme presque naturel.


Dans mes enseignements de médiation en école de commerce, je travaille sur les émotions et les relations interpersonnelles. Je rappelle qu’un sentiment négatif est souvent le résultat d’un besoin insatisfait, et que retrouver sa sérénité peut passer par la reconnaissance de ce besoin et la recherche de moyens pour y répondre.


Dans un exercice intitulé « Être à l’écoute des besoins des autres », je pose le cas suivant : Une amie vient vous voir et vous dit : « J’ai accepté d’aller à un dîner demain soir chez une amie que je n’ai pas vue depuis longtemps. Ce matin, elle m’appelle pour me dire qu’il y aura d’autres personnes. J’ai dit oui, mais je n’ai plus envie d’y aller et de voir du monde. Comment faire pour décommander sans vexer mon amie ? » Que répondez-vous ?


En petit groupe, les étudiants doivent chercher quel est le véritable besoin de cette amie et comment lui conseiller de répondre à ce besoin.


Souvent, les réponses proposées tournent autour du mensonge : « Dis à ton amie que tu es malade », « Dis-lui que tu as oublié que tu devais aller voir ta grand-mère », etc. Leur imagination ne manque pas.


En cherchant à résoudre ce cas, nombreux sont les étudiants qui réalisent n'avoir pas été entraînés à reconnaître et à exprimer ses besoins. Ayant tellement l’habitude de mentir, leur cerveau y recourt automatiquement.


Ce phénomène ne se limite pas aux interactions individuelles. À une échelle plus large, les mensonges façonnent nos sociétés. La pression sociale, les attentes des autres, et parfois des intérêts économiques ou politiques nourrissent une culture du mensonge. Le mensonge, à force de répétition, devient un réflexe, une forme de survie dans un monde où la vérité semble parfois trop complexe à assumer.


Changeons notre façon d’éduquer nos enfants.

Apprenons-leur que le mensonge n’est pas nécessaire pour satisfaire leurs besoins.

Peut-être qu’un jour, le mensonge ne sera plus une habitude partagée, mais une exception, rare et circonstanciée.

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