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La médiation, un processus adapté au harcèlement moral.

Dernière mise à jour : 9 mars 2022


La médiation, un processus adapté au harcèlement moral.

L’employeur est garant de la santé physique et psychique de ses salariés.

Il doit notamment mettre en oeuvre des actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral (Cass soc, 1er juin 2016 pourvoi n° 14-19702)

Si un salarié s’estime victime de harcèlement moral, il peut saisir le conseil de prud’hommes et solliciter la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur ainsi que le versement de dommages et intérêts.

Le Code du travail définit le harcèlement moral comme constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (article L. 1152-1)

Devant le conseil de prud’hommes le salarié doit établir les faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. L’employeur, qui dans la plupart des cas n’est pas l’auteur présumé, doit alors prouver, soit que ces faits ne sont pas avérés, soit qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs et donc étrangers à un harcèlement moral.

Pour être constitué, le harcèlement ne nécessite, ni l'intention de nuire de son auteur, ni de condition de durée. Les agissements peuvent être de même nature, se répéter sur une brève période ou être espacés dans le temps. Des méthodes de gestion peuvent caractériser un harcèlement, même si aucune différence de traitement entre salariés n'est constatée.

Les questions de harcèlement sont des affaires complexes.

Comment distinguer ce qui relève du harcèlement de ce qui n’en est pas ?

A partir de quel moment une relation de travail naturellement traversée par des tensions, des conflits, des malentendus peut-elle être taxée de harcèlement ?

Quel est le seuil d’acceptabilité de la contrainte pour le salarié et comment un salarié peut-il en abuser ? Certains salariés peuvent considérer qu’un simple ordre répété constitue une forme de harcèlement lorsqu’ils estiment que la tâche dépasse leur mission.

Certains salariés rencontrant des difficultés personnelles peuvent ne plus rien accepter : « ce qui semblait normal devient insupportable» et voir dans les gestes ou paroles de l’autre des faits de harcèlement.

Ainsi, une médiation a pu mettre en évidence qu’une salariée stressée par des problèmes personnels (son époux demandait le divorce après plus de 20 années de mariage) avait du jour au lendemain reportée son sentiment d’injustice et de perte de confiance, contre celui avait lequel elle partageait son bureau. Alors qu’elle était très consciencieuse dans son travail, rangeait avec soin ses affaires, était toujours en avance sur son travail, du jour au lendemain elle ne supporta plus ni le désordre de celui qui partageait son bureau ni le fait que celui-ci terminait son travail toujours au dernier moment.

Par ailleurs, des agissements peuvent révéler un conflit générationnel et non un harcèlement.

Voici un exemple. Une entreprise a fait appel à mon cabinet pour une médiation entre trois manageurs opérationnels et leur supérieur hiérarchique. La direction lui reprochait des manquements dans sa façon de diriger son équipe et voulait s’assurer qu’aucun fait de harcèlement ne pouvait lui être imputé. Cette médiation a fait ressortir, avant toute autre chose, un conflit de générations. Le manageur utilisait les méthodes autoritaires du « bon père de famille » qui donne des ordres que l’on ne discute pas, alors que les manageurs bien plus jeunes demandaient à être reconnus dans leur travail, accompagnés, écoutés, valorisés.

La médiation permet de faire le point.

A la différence d’une procédure judiciaire, le processus de la médiation va prendre en compte la dimension affective et émotionnelle du conflit et tenter de démêler la situation dans le but, non pas de sanctionner, mais de permettre aux parties de trouver une solution, qui peut prendre différentes formes :

- la fin du malentendu et le rétablissement des relations de travail,

- le maintien du salarié dans l'entreprise avec des aménagements ou un changement de poste,

- le constat d'une rupture nécessaire qui mène à une séparation négociée, etc..

La saisine du médiateur.

La médiation peut être mise en place à la demande de l’auteur ou de la victime du harcèlement. (Article L1152-6 du Code du travail)

L’employeur, lorsqu’il n’est pas mis en cause ne peut pas saisir le médiateur.

Cependant, l’employeur a tout intérêt à proposer une médiation, s’il a vent de faits de harcèlement dans son entreprise, car celui-ci est garant de la santé physique et psychique de ses salariés.

Il a le devoir de l’organiser si un salarié le lui demande.

C’est ce que rappelle la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 23 février 2012 n° 10/05107, 5e ch., SAS PPG Industries France c/ L. Dans cette affaire, un salarié avait en vain demandé deux fois à la direction de l'entreprise d'organiser une médiation eu égard aux conséquences de ses mauvaises relations avec son supérieur hiérarchique. La Cour d’appel a estimé que l'employeur avait manqué gravement à ses obligations, justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat à ses torts. En effet, si la médiation n'est pas une obligation, aux termes de l'article L 1152-6 du Code du travail, l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur doit l'inciter à trouver une solution pour permettre à un salarié dans l'entreprise depuis 18 ans et ayant donné satisfaction, de travailler à nouveau dans un cadre serein.

Ainsi, la médiation peut être considérée comme un véritable outil pour l’employeur en cas de faits de harcèlement révélés au sein de son entreprise.

Quand saisir le médiateur : le plus rapidement possible.

Selon les cas, un harcèlement est révélé à la direction dans le cadre d’un courrier adressé par la victime, en arrêt maladie, à son supérieur hiérarchique, à la direction des ressources humaines ou au responsable RSE. Il peut également être révélé par un délégué du personnel ou un délégué syndical auprès duquel la victime s’est confiée. Ces mêmes délégués peuvent être avertis par des tiers sans intervention de la victime.

Dans de nombreux cas, la direction avertie d’un cas de harcèlement déclenche une enquête en interne et interroge la victime, l’auteur présumé, mais également les collaborateurs susceptibles d’avoir observé des agissements inappropriés de l’auteur présumé.

Cette procédure interne peut se solder par une reconnaissance des faits de harcèlement débouchant sur le licenciement de l’auteur.

Elle peut également conclure à l’absence de harcèlement. Dans un tel cas, l’enquête, une fois terminée, peut renforcer le sentiment de la victime de ne pas être écoutée ou de l’auteur présumé d’avoir injustement été mis en cause.

Dans un cas de harcèlement dénoncé par un collaborateur, Monsieur P, vis-à-vis de sa supérieure hiérarchique, l’enquête interne avait conclu au fait « qu’aucun élément, comportement, propos ou attitude ne mettent en évidence la matérialité des allégations de harcèlement ou de discrimination » et que « la supérieure hiérarchique n’avait commis aucune erreur managériale ». Dans le courrier adressé à la supérieure hiérarchique à la clôture de l’enquête il était cependant indiqué : « Cette situation conflictuelle a pu entraîner la perception de menaces ou d’agressivité pour votre collaborateur et pour vous-même ».

Ceci entraina une réaction immédiate de la supérieure hiérarchique : « Cette phrase laisse à penser que P aurait eu à subir des menaces ou de l’agressivité de ma part, comme moi de la sienne, ce qui nous mettrait sur un pied d’égalité en la matière, ce que je trouve particulièrement choquant (eu égard à la réalité des faits) et aussi en décalage par rapport à la restitution de clôture que j’aie eu avec T ( son supérieur hiérarchique), lequel m’a indiqué que j’avais le soutien de ma hiérarchie ». « De même, je suis déçue que l’entreprise n’envisage aucune sanction à l’encontre de P alors même que les critiques qu’il a formulées à mon égard sont démontrées ». Suite à cette enquête, le conflit s’est déplacé entre la supérieure hiérarchique et la direction.

Il arrive que les faits de harcèlement soient révélés alors que l’auteur présumé a quitté l’entreprise ou a été muté. Dans un tel cas, la victime se retrouve face à une direction qui : nie l’existence de faits de harcèlement : « nous n’en avons jamais eu vent », « le collaborateur mis en cause avait toute notre confiance » ; ou tout en reconnaissant que des faits de harcèlement aient pu exister, tente d’en minimiser la portée ; ou encore, renvoie dos à dos victime et auteur : « M n’aurait pas dû se comporter de la sorte… Mais vous-même aviez une attitude ».

Dans de tels cas, la victime peut se sentir totalement abandonnée et l’absence de reconnaissance de sa qualité de victime ou de sa souffrance par l’auteur du harcèlement l’empêche de reprendre confiance et de retrouver l’estime de soi.

Ainsi plus la médiation intervient rapidement et plus il existe des chances de trouver une solution juste et pérenne pour la victime, l’auteur présumé et l’entreprise.



Harcelement moral et mediation
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